| Malgré tout, il 
        commence à être invité dans les clubs et les cercles 
        d'affaires, où il promène son look singulier : polo et jean 
        noirs, banane à la ceinture, Rolex en or au poignet et, sur la 
        nuque, une fine natte confucéenne. " Sa réussite commence 
        à être reconnue, car elle s'inscrit dans la durée 
        ", explique Paul Billon, un patron lyonnais qui est son associé 
        depuis quatre ans. Cette popularité naissante fait sourire Thierry 
        Ehrmann : " c'est le syndrome Arafat. Quand l'ancien terroriste accède 
        au pouvoir, il faut bien parler avec lui. " L'establishment lyonnais 
        s'est longtemps méfié de cette personnalité sulfureuse, 
        dont l'itinéraire échappe à toute logique. D'autant 
        plus qu'il entretient à plaisir un halo de mystère : l'homme 
        ne fréquente pas la jet-set - « je suis timide » - 
        et sort peu du domaine des Sources, un ancien relais de poste du XVIIIè 
        siècle (3 hectares, 7 000 mètres carrés habitables) 
        où sont installés le siège de son entreprise et son 
        domicile. Il travaille souvent tard la nuit dans son bureau aux murs anthracite, 
        aux poutres sombres, encombré de meubles haute époque qu'il 
        collectionne depuis quinze ans.Jean-Jacques BozonnetIl combat mollement les nombreuses rumeurs qui courent sur son compte, 
        notamment d'avoir des accointances avec les services secrets. Mais il 
        confirme sans détours ce que d'autres tairaient volontiers, comme 
        son appartenance à la franc-maçonnerie ou son mode de vie 
        " en marge, tribal " : " je vis avec plusieurs femmes sous 
        le même toit, mes deux fils ont plusieurs mamans, explique-t-il 
        tranquillement. Je l'assume, ayant toujours été un défenseur 
        de l'épicurisme dans l'échangisme. " Lyon se souvient 
        des années 1980, quand la tribu Ehrmann avait élu domicile 
        dans une immense propriété de Charbonnières, éloquemment 
        baptisée " l'Abbaye de Thélème ". On y 
        donnait sans discrétion des fêtes plutôt libérées. 
        Dans le parc, le jeune homme élevait des kangourous, qu'il promenait 
        dans sa Rolls. Il avait déjà ses aises, grâce à 
        la revente de deux entreprises créées par lui : une société 
        d'images de synthèse et une messagerie téléphonique, 
        La Voix du parano. Puis grâce à son association avec le groupe 
        Jet lag, une prospère messagerie rose, dont il détiendra 
        10 % jusqu'en 1996.
 Il prenait plaisir à " choquer les bien-pensants ", cette 
        bourgeoisie lyonnaise du boulevard des Belges où il est né 
        en 1962. Fils unique, il reste marqué par une éducation 
        rigide et des rapports difficiles avec son père. Ce dernier, polytechnicien 
        et docteur en droit, avait servi l'Etat avant de devenir un industriel 
        de la chimie, propriétaire d'une usine en Allemagne. " C'était 
        un humaniste chrétien très lié à l'Opus Dei 
        ", précise son fils. Il se souvient que, lorsque certains 
        hommes d'affaires venaient à la maison, la conversation se faisait 
        en latin. Le petit Thierry avait un précepteur dominicain, et interdiction 
        de fréquenter d'autres enfants. Lorsqu'il fallut sortir de cette 
        enfance recluse pour le collège et le lycée, il écumera 
        dix-sept établissements scolaires, tant privés que publics, 
        avant de faire son baluchon pour dix-huit mois de petits boulots à 
        travers le monde. « Je crois que je dégageais une aura qui 
        perturbait toute l'école », avance-t-il.
 
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